l’enrôler, et elles furent nombreuses, aucune assurément ne lui tenait plus à cœur. Il y parut bien lorsqu’il la vit mourir. Cette disparition lui fit éprouver, je pense, la plus amère déception de sa vie. Esprit dynamique, capable des plus nobles entêtements, il ne savait pas se résigner à l’échec.
Un autre jour pourtant, il devait finir par nous quitter. Cette fois de façon définitive. Il subira même, à ce moment-là, une singulière évolution de pensée. C’était le temps où Henri Bourassa traversait lui-même une crise morale également singulière. Le Dr Gauvreau, le chevaleresque pionnier de l’Action française, s’est-il laissé entamer par le pessimisme du « maître » ? J’incline à le croire. Revirements d’esprit, désertions dont la fréquence, chez nous, aura été l’un des étonnements les plus douloureux de ma vie ! Encore aujourd’hui, après en avoir tant vu, et désillusionné, oh combien ! sur le compte des pauvres humains, je ne m’habitue pas à ces étranges pirouettes et à ces sinistres trajectoires en des vies d’hommes inaugurées pourtant sous le signe des plus nobles droitures.
Anatole Vanier
À l’origine de la Ligue des droits du français, je retrouve un dernier personnage : Anatole Vanier. Type de gentilhomme, qu’en toute société l’on eût pris pour un aristocrate de naissance. Il nous était venu de l’ACJC (Association catholique de la Jeunesse canadienne-française) où, par l’esprit, la distinction, le talent, lui et son frère Guy figuraient comme des jumeaux. Heureux temps où une association de jeunes pouvait former de tels hommes, patriotes et croyants, incapables d’admettre un divorce entre leur foi religieuse et le service de leur pays et de leur nationalité ! À la distinction, Anatole Vanier joint un courage franc qui ne sait même pas s’arrêter en deçà de la témérité. Il porte en l’esprit une intransigeante fierté des droits des siens. Aux côtés de Pierre Homier, ou celui-ci parti, le secrétaire de la Ligue — c’est sa fonction — mènera la « petite guerre ». Il la mènera, tout comme Pierre Homier, rondement, carrément. L’Action française est toute pleine de sa correspondance avec les pouvoirs publics —