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mes mémoires

où le journaliste en tient — eh oui, en ce temps-là — pour le bloc québecois au parlement fédéral. Le journaliste, on pourra le voir, définit du même coup le rôle du gouvernement de Québec dans la vie du Canada français, ainsi que le pourraient faire les jeunes théoriciens d’aujourd’hui :

M. Laurier disparu, avertit Asselin, il incombe aux chefs de la race de faire renaître en matière de relations ethniques, avec les modifications nécessaires, la politique de Lafontaine et, si l’on veut, de Cartier… Pour une race comme la nôtre, qui peut trouver, dans le gouvernement provincial, à la seule condition de les y chercher, toutes les garanties d’une vie nationale autonome, l’isolement vaut mieux qu’une mauvaise alliance, et d’ailleurs l’isolement temporaire, qui peut toujours prendre fin par les multiples jeux de la politique, et l’isolement définitif, sont deux choses. En troisième lieu l’isolement, que les profiteurs de la politique s’appliquent à nous présenter comme un suicide, mais aussi comme un acte d’hostilité envers nos concitoyens anglais, n’a rien d’une politique agressive, s’il est clair que nous y cherchons uniquement la sauvegarde de notre dignité, que nous entendons d’ailleurs en profiter pour faire sur nous-mêmes, en vue d’une loyale réconciliation toujours désirable, un de ces retours nécessaires aux nationalités comme aux individus après les périodes de luttes ardentes, et que nous ne demandons qu’à y mettre fin dès que la vie commune sera redevenue possible. Voilà les principes qui devront nous inspirer désormais dans nos relations avec le Canada anglais. Il y a chez nous des gens qui s’épouvantent à la pensée de ce que demain nous apportera. Je crois au contraire qu’il n’est jamais mauvais de prendre contact avec la réalité (XVI : 128).

Voilà sûrement, en quelques lignes, une bonne once d’illusions mêlées de grains de naïveté, de la part d’un esprit pourtant vif et pénétrant. Les Canadiens français n’en étaient plus au temps de Cartier ni de LaFontaine. Le lauriérisme avait fait son œuvre de désintégration, œuvre funeste que le réveil nationaliste n’avait qu’incomplètement enrayée. Le centralisme politique, toujours en cheminement souterrain depuis 1867, réapparaissait à la surface et les Canadiens français n’étaient pas rares qui pactisaient avec la dangereuse hérésie. Déjà il nous fallait dénoncer la théorie du « canadianisme tout court ». Je le faisais dans la revue d’avril 1927 et, en riposte à un nul autre personnage que le président