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quatrième volume 1920-1928

quête un article très sympathique et très au point dans la Chronique sociale de France (juillet 1923). J’en ai reproduit un large extrait dans L’Action française (XI : 60-62). À retenir ces dernières lignes qui ont peut-être une valeur de pronostic :

L’avenir ne se fait pas tout seul, il se prépare et il arrive souvent qu’il se modèle sur les conceptions de ceux qui, en s’essayant à le deviner, posent, d’un geste hardi, certaines orientations directrices, capables de jouer un rôle décisif par leur action sur les esprits qui deviennent une action sur les faits.

Un monsieur Ernest Robert, ancien secrétaire d’Israël Tarte à Ottawa, Français de France retourné à son pays natal, donne son opinion sur « Notre Avenir politique », dans le Bulletin de la Société de Géographie d’Alger, et aussi dans son livre : Canada français et Acadie (L’Action française, XIV : 314-316).

L’enquête de 1922 avait donc fortement remué les esprits, du moins en certains quartiers. Succès relatif qui fait se poser quelques questions. « Notre avenir politique » s’était présenté comme une idée-force. D’excellents milieux l’avaient favorablement accueillie. Par quel hasard, l’idée-choc s’est-elle éteinte, affaissée, presque aussi rapidement qu’un obus qui s’enfouit dans le sol ? Maintes réponses pourraient être faites. L’état colonial, trop longtemps prolongé, développe invariablement dans l’âme d’un peuple, une déplorable passivité. Les Canadiens français n’avaient pas échappé à l’atonie classique, vers ces années 1920 où le mot « indépendance » gardait encore un accent révolutionnaire. Pour éveiller la masse et gagner même l’élite, il eût fallu une propagande intense, opiniâtre, soutenue par un organe, plus répandu, plus puissant qu’une revue. J’expliquerai plus loin, du moins je l’espère, par quel ensemble de circonstances L’Action française resta condamnée, sur ce point, à l’isolement. L’appui même du Devoir lui manquera, lorsqu’à la suite d’une évolution de pensée de son directeur, le nationalisme ne sera plus, pour le journal, qu’un drapeau en poche. Les hommes qui menèrent l’enquête sur « Notre avenir politique » n’avaient pourtant pas perdu leur temps. À mon sens, ils avaient, sinon révélé, du moins relevé l’existence et la dignité de l’État français du Québec. Le mot fera encore peur pendant longtemps. Pour repousser la chose, on l’embrouillera de toutes sortes d’équi-