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Page:Groulx - Mes mémoires tome II, 1971.djvu/33

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troisième volume 1920-1928

aisance, une finesse qui n’appartenaient qu’à lui. Sa profession d’avocat avait peut-être développé, affiné ces qualités naturelles. Avocat, il l’était jusqu’au fin bout des ongles. Dans ses Silhouettes d’aujourd’hui, Paul Dulac (pseudonyme de Georges Pelletier), avocat lui-même, a écrit d’Antonio Perrault : « Ce n’est pas un avocat, c’est, au meilleur sens et au plus élevé du mot, l’avocat. » De l’avocat, il avait la tournure d’esprit juridique, une science étendue du droit servie par une dialectique subtile, impitoyable, une repartie rapide comme un flamboiement de rapière. Fait singulier : ce dialecticien n’avait jamais l’esprit plus lucide que dans l’échauffement d’une discussion. C’est en ces moments-là que sa voix coupante assénait les meilleures ripostes. Il fallait le voir aussi, au tribunal, en face d’un témoin récalcitrant. À la façon d’un aspirateur irrésistible, l’avocat pressurait sa victime, la retournait en tous sens, lui extorquait tout ce qu’elle pouvait dire et peut-être même un peu plus.

Antonio Perrault brillait plus encore par ses qualités morales. Ce disputeur, disputeur puisque avocat, et qui défend ses opinions avec opiniâtreté, est, en même temps, un esprit éminemment loyal. Au plus fort de nos discussions, je l’ai toujours vu s’incliner devant la raison décisive, l’argument vainqueur. En une circonstance particulièrement délicate de sa vie, je l’ai vu revenir sur une opiniâtre décision, dès qu’il se fut convaincu de son erreur. C’est par générosité de cœur, ai-je dit, qu’il était venu à l’Action française. Il y avait là une belle cause à servir, un petit peuple à sauver de soi-même, une entité culturelle et spirituelle de haut lignage à continuer. Il se voua à la tâche par conscience, par esprit de devoir. Il se posa surtout en défenseur des lois françaises. Il le fit, sans doute, pour le plaisir intellectuel que ce système de vieilles lois apportait à son esprit latin ; il se porta à la rescousse du système en péril, parce qu’il y voyait au premier chef l’un des éléments de la culture originelle dont, pour lui, l’on ne devait rien sacrifier. Pour Perrault, tout se tient et se soutient dans la vie d’un peuple. Les pilastres, les contreforts d’une cathédrale n’en sont pas le tabernacle ; pourtant le tabernacle ne saurait se passer de ces épaulements. Que d’autres sujets ce diligent collaborateur a abordés dans la revue : articles, études qui, recueillis, feraient voir, en Perrault, l’un des esprits les plus pénétrants et les plus élevés de sa génération. En tout cas le patriotisme, ou si