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Page:Groulx - Mes mémoires tome II, 1971.djvu/343

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quatrième volume 1920-1928

Vers l’Amérique latine

Avec son souci continuel des « fenêtres ouvertes », l’Action française aura été la première, semble-t-il, à tourner l’attention du Canada français vers l’Amérique latine. J’ai toujours cru, pour ma part, qu’il fallait chercher de ce côté-là un contrepoids à l’influence omnipotente de Washington. La froide attitude de nos gouvernants m’a toujours paru, au reste, une insigne maladresse, une concession poltronne au sentiment impérialiste britannique. À Paris, en 1922, j’ai suivi, à l’Institut d’Action française, un cours singulièrement agressif de Marius André, sur l’histoire de l’Amérique espagnole : essai de réhabilitation de la période de la conquête et de la colonisation. Vers le même temps, je lis régulièrement la Revue de l’Amérique latine, fondée et publiée à Paris, par un groupe de Latins d’Amérique. De retour au Canada, j’abonne l’Action française à la revue parisienne. Et j’obtiens que l’un de nos jeunes directeurs, l’avocat Émile Bruchési, nous écrive, de temps à autre, une chronique des événements de l’Amérique latine. C’est par ce chemin que nous serons amenés à nous occuper des affaires du Mexique, alors en proie à une violente persécution religieuse. Le 13 octobre 1926, la Ligue d’Action française prend même l’initiative d’adresser à l’Archevêque de Mexico, une lettre collective de « vives sympathies », au bas de laquelle apparaissent les signatures de toutes les Sociétés nationales du Canada français et des États-Unis (XVII : 41-43). Dans « La vie de l’Action française » (XVI : 317), Jacques Brassier souligne l’heureuse démarche et souhaite qu’elle se produise plus souvent. L’année précédente, dans un bref article de quatre pages, le directeur de la revue s’est déjà élevé contre le silence de l’opinion en face de l’effroyable crise mexicaine :

Franchement, il est un peu humiliant pour nous et pour la conscience humaine que d’aussi rudes brimades administrées à des milliers de nos frères n’agitent l’opinion que d’une émotion superficielle, alors qu’une trentaine de barbes de rabbins coupées pour rire à Varsovie, feraient parler dès demain d’un effroyable pogrom et ébranleraient le chœur en colère de la presse des cinq continents (XVI : 118-122).

Ce serait peut-être aussi le lieu de rappeler l’effort accompli par l’Action française pour resserrer nos liens intellectuels avec