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quatrième volume 1920-1928

embarrasser l’autorité ecclésiastique, nous avions les lèvres scellées. Et voilà ce que peut être, en démocratie, la liberté de la presse ! Et voilà aussi jusqu’où se peuvent porter les sollicitudes d’hommes politiques qui ont pourtant quelque chose d’autre à faire.

Épreuves intérieures

L’Action française subissait des épreuves plus sensibles et plus dangereuses. Épreuves intérieures. Un débat latent et persévérant s’y était amorcé entre les directeurs, depuis les années 1921-1922, années de mon premier séjour en France et en Angleterre. Débat entre idéalistes et pragmatistes, dirais-je, divergences de vues sur la structure même de l’œuvre. Les uns, les idéalistes, — ou pour parler plus exactement, Antonio Perrault[NdÉ 1], car il est à peu près le seul de son sentiment, — ne veulent que d’une action strictement intellectuelle : publication de la revue, propagande par la conférence, par les pèlerinages historiques, par les tracts, etc. Mais ils s’opposent au développement économique ou commercial de l’œuvre, et ce, par crainte que les affaires, prenant trop d’ampleur, n’étouffent l’esprit. L’autre groupe, sans prétendre négliger l’aspect ni le rôle intellectuel de l’Action française, voudrait asseoir l’œuvre sur de solides assises financières, lui trouver des moyens de vivre. Le Dr Gauvreau, porte-parole ou chef de ce groupe, opine donc pour un épaulement financier de l’Action française, par le développement d’une librairie, d’un lancement d’éditions et autres entreprises de propagande rémunératrices. Le péril de la controverse s’affirme et se grossit par l’affrontement des deux coryphées : deux personnalités tranchées, deux caractères entiers, peu propres aux accommodements. De Paris où je me trouve, je puis assister à la naissance du conflit. Le 18 janvier 1922, l’ami Perrault m’écrit :

  1. Antonio Perrault, voir pages 30-35 de ce tome.