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troisième volume 1920-1928

graphie canadienne ; Léon Lorrain, de trois anglicismes ; l’abbé Olivier Maurault, de régionalisme ; Louis-D. Durand de la Renaissance des Tchèques.

Henri d’Arles

Pour la saison universitaire de 1920-1921, l’Action française tente une autre formule : une série de conférences confiées, cette fois, à un seul conférencier. L’homme de notre choix est Henri d’Arles, nom de plume d’Henri Beaudé, qui nous entretiendra de Nos historiens. C’est le sujet de son choix et c’est le lieu peut-être de présenter le personnage.

Henri d’Arles, personnage qui ne manque pas d’originalité. Qui l’avait rencontré une seule fois ne perdait plus l’image de ce prêtre et de cet ex-moine à mine de dandy accompli, portant vêtement d’une coupe impeccable, souliers fins, faits sur mesure, souvent à boucles comme une chaussure épiscopale, bas de soie volontiers violets, veston traversé d’une chaîne d’or. Au-dessus du col se dégageait une tête bien faite qu’on aurait pu dire de carrure et de profil napoléoniens, si la peau trop fine, l’ensemble du visage trop poupin, les cheveux bien lisses et bien peignés n’eussent fait un composé d’aspect plutôt féminin. Un lorgnon retenu à l’oreille et au gilet par un large ruban noir achevait de révéler un souci de parure et de coquetterie d’une masculinité suspecte. Henri d’Arles ouvre la bouche ; il parle : voix feutrée, blanche, presque molle, tout ce qu’il faut pour donner à se méprendre sur le sexe de cette voix. Enfin il ne reste plus qu’à le regarder marcher : balancement de mains fines, démarche souple, cadencée, pas à peine appuyés d’un monsieur qui foulerait un tapis ; en tout, l’élégance même. À coup sûr, dans un salon d’aristocrates, avec son air légèrement mélancolique, eût-on facilement pris cet efféminé pour le dernier survivant d’une famille de princes détrônés.