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gage pas davantage. Le métier, l’enquête immense à travers la forêt presque sans limites des archives m’ont enseigné la prudence. « Ce ne sera que dans plusieurs années », dis-je en conclusion de l’entretien.

Le Régime français, j’en ai déjà pris une vue panoramique dans La Naissance d’une Race, rééditée trois fois avec corrections et accroissement du texte. Cette vue d’ensemble, je l’ai précisée, enrichie dans mes cours fermés à l’Université. Mais il me tarde d’en venir à une étude plus fouillée, plus approfondie. Le Régime britannique m’a laissé un peu de lassitude. J’avais hâte d’en finir avec cette histoire à prédominances politiques et économiques, trop pleine de heurts de races presque continuels, trop affligeante par cet enfantement laborieux d’une patrie toujours en quête de ses véritables assises. Le Régime français m’offrirait l’étude d’un peuple jeune, en voie de se constituer, se forgeant peu à peu ses institutions essentielles, lancé à la conquête presque héroïque de sa terre adoptive, opérant dans l’immense et grandiose nature de l’Amérique. Comme en l’histoire de tout peuple colonial, j’y découvrirais une extraordinaire densité de vie. Paysage historique qui m’attirait et me séduisait. C’est avec un esprit neuf et presque de l’enivrement que je me mis à l’étude de mon Jacques Cartier.

Mon premier cours a lieu le 9 novembre 1933, à l’Université de la rue Saint-Denis. Le sujet attire les auditeurs. « En dépit de la neige, la grande salle des cours de l’Université était remplie », écrit M. Héroux (Le Devoir, 10 novembre 1933). L’auditoire me restera fidèle. Mes leçons bénéficient de l’actualité, en cette veille du quatrième centenaire. Je suis allé à Ottawa, aux Archives et à la Bibliothèque du parlement, me documenter sur les vieilles cartes, l’histoire des découvertes. J’ai trouvé, à l’École normale Jacques-Cartier, dont mon ami, l’abbé Adélard Desrosiers, m’ouvre généreusement la bibliothèque, une documentation précieuse, amassée par l’abbé Verreau et l’abbé Nazaire Du-