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sixième volume 1931-1939

intelligent, Mgr Yelle, archevêque de Saint-Boniface, a donné dans ce non-sens. Au nom des minorités françaises des provinces anglo-canadiennes, il a mis en garde contre un isolement du Québec. Il va même jusqu’à dire, selon le journal, Le Canada, de Montréal (1er juillet 1937) :

Parler séparatisme, ce n’est pas dire des paroles d’encouragement, mais de défaitisme. Je demande à mes frères du Québec de prendre conscience de ce scandale.

M. Duplessis, plus dépité que d’autres, et non sans motifs plausibles peut-être, a porté la santé de la province de Québec. En son éloquence vaseuse, il a trouvé le moyen de dire :

S’il y avait par malheur quelqu’un qui prêcherait l’isolement — et je sais qu’il n’y a personne de sérieux pour le faire — ce serait restreindre une puissance qui est trop belle et trop grande pour la limiter à une seule région.

La polémique était lancée. On en trouvera la trace dans les journaux du temps. Les uns y allaient de bonne foi — si l’on peut parler ainsi — n’ayant jamais lu une ligne de mes écrits ; les autres n’obéissaient qu’à l’hypocrisie partisane. Ils savaient fort bien ce que j’avais toujours entendu par « État français » : un Québec aussi souverain que possible, dans la ligne de ses institutions constitutionnelles, et gouverné pour les fins qu’il avait revendiquées en 1867. Mais les politiciens au pouvoir, politiciens canadiens-français à Ottawa comme à Québec, trouvaient si puissant intérêt à me prêter des intentions séparatistes. On noie son chien comme on peut si on le croit nuisible. Et la dénonciation du « séparatisme » masquait si bien toutes les lâchetés devant le centralisme d’Ottawa. Je dois cette justice à Mgr Yelle : m’étant trouvé son voisin à une manifestation du Congrès, je le rassurai sur mon attitude et sur l’État français. L’Archevêque de Saint-Boniface me donna raison. Dans un premier-Québec du 2 juillet 1937, de L’Action catholique, on peut lire ces lignes :

L’un des chefs les plus sages et les plus dévoués de la défense canadienne-française dans l’Ouest, qui n’avait pas plus saisi que nous de note séparatiste dans le discours de M. Groulx, mais qui voulait une certitude absolue, après la lecture des journaux et certaines discussions, a obtenu facilement de M. Groulx lui-