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mes mémoires

Je vais donc au déjeuner du Faculty Club de McGill. Je rencontre là, autour de la table, les grands princes de l’industrie, du commerce et de la finance anglo-canadienne. Ils sont là une dizaine environ :

Morris Wilson, président de la Banque royale du Canada, directeur de la Compagnie Shawinigan, etc. ;
Gray Miller, président de l’Imperial Tobacco, directeur de la Banque royale du Canada ;
Ross Clarkson, président du Board of Trade, Montréal, gérant général du Royal Trust ;
Dr Charles Colby, Highest honors in English and History, ’87, McGill University, Ph.D. ’89, Harvard University, directeur de la Banque du Commerce et autres grandes institutions d’affaires ;
George McDonald, C.A., de McDonald, Currie and Co., Auditors, ancien président des Canadian Chambers of Commerce ;
Leslie N. Buzzell, Partner, McDonald, Currie and Co., fondateur du Junior Board of Trade.

Trois Canadiens français se mêlent à ce grand monde : mon ami Victor Soucisse, l’un des fondateurs de l’Elgin Institute ; le lieutenant-colonel Henri Desrosiers, mon ancien camarade de l’Académie de Vaudreuil, vice-président de l’Imperial Tobacco ; Esdras Minville. Le déjeuner est cordial. L’on m’encadre entre le vérificateur McDonald et le Dr Charles Colby. Tous deux parlent assez correctement le français. Le repas terminé, après une courte présentation, l’on m’invite à prendre la parole. Nous sommes en mai 1939. Des rumeurs de guerre flottent dans l’air, tiennent les esprits en alerte. Heures graves qui, chaque fois, je l’ai observé, émeuvent, inquiètent l’opinion anglo-canadienne. D’avance on veut sonder l’opinion québecoise : en quel sens réagira-t-elle ? Alors afflux de journalistes de langue anglaise ; ils viennent quêter des entrevues. Mes amis m’en envoient quelques-uns. Aux yeux de ces hommes n’ai-je pas figure de « chef nationaliste » ? J’en suis persuadé : au Faculty Club de McGill, en ce 25 mai 1939, je ne vois nulle autre raison de ma présence là. J’avais demandé qu’on me permît de parler français, ayant trop de raisons de me méfier de mon anglais. Je parle français ; un