Je vais donc au déjeuner du Faculty Club de McGill. Je rencontre là, autour de la table, les grands princes de l’industrie, du commerce et de la finance anglo-canadienne. Ils sont là une dizaine environ :
Trois Canadiens français se mêlent à ce grand monde : mon ami Victor Soucisse, l’un des fondateurs de l’Elgin Institute ; le lieutenant-colonel Henri Desrosiers, mon ancien camarade de l’Académie de Vaudreuil, vice-président de l’Imperial Tobacco ; Esdras Minville. Le déjeuner est cordial. L’on m’encadre entre le vérificateur McDonald et le Dr Charles Colby. Tous deux parlent assez correctement le français. Le repas terminé, après une courte présentation, l’on m’invite à prendre la parole. Nous sommes en mai 1939. Des rumeurs de guerre flottent dans l’air, tiennent les esprits en alerte. Heures graves qui, chaque fois, je l’ai observé, émeuvent, inquiètent l’opinion anglo-canadienne. D’avance on veut sonder l’opinion québecoise : en quel sens réagira-t-elle ? Alors afflux de journalistes de langue anglaise ; ils viennent quêter des entrevues. Mes amis m’en envoient quelques-uns. Aux yeux de ces hommes n’ai-je pas figure de « chef nationaliste » ? J’en suis persuadé : au Faculty Club de McGill, en ce 25 mai 1939, je ne vois nulle autre raison de ma présence là. J’avais demandé qu’on me permît de parler français, ayant trop de raisons de me méfier de mon anglais. Je parle français ; un