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Page:Groulx - Mes mémoires tome III, 1972.djvu/382

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sixième volume 1931-1939

peu le catholicisme dans notre pays. Si nous croyons aux vertus du catholicisme dans la vie d’un peuple, nos institutions d’enseignement supérieur seraient-elles les dernières à justifier leur existence et les sacrifices de toute sorte qu’elles exigent ?

Sur ces responsabilités des professeurs d’université catholique, je reviendrai assez fréquemment, en particulier dans mon panégyrique de saint François de Sales, à la fête patronale de notre Faculté des lettres. Je ressaisirai la question dans Rencontres avec Dieu, retraite que je prêcherai en 1955, à nos universitaires. Puis-je le confesser sans que l’on y perçoive la moindre pose ? Combien ces incursions dans le domaine religieux me rendaient, ce me semble, à ma vie normale. Parmi les éloges qu’on m’a souvent décernés, il en est deux qui m’ont toujours particulièrement agacé : celui de « maître » et celui d’ « historien national ». Qu’est-ce qu’un « historien national » ? Un historien reconnu comme sien par toute la nation ? Ou un historien d’intention nationale ou patriotique ? Dans mon cas, j’estime que les deux sens expriment une fausseté. Une observation cependant m’a toujours grandement plu : celle où l’on a bien voulu reconnaître, qu’en toutes mes démarches, écrits ou discours, je n’aurais jamais oublié ni ma qualité, ni mon caractère de prêtre.

Voilà ma vie de ce temps-là. Encore une fois, comment ai-je pu tenir ? Je n’en sais rien. Faire face à la fois à deux besognes m’est heureusement assez facile. Un sujet d’article, de discours ou de conférence m’est-il proposé ? Aussitôt, malgré moi, mes méninges entrent en travail. Les idées, parfois cocasses, affluent. Je les note, telles qu’elles m’adviennent, en leur forme précise ou imprécise, avec l’illusion, le plus souvent, qu’elles portent leur meilleur vêtement, celui que l’esprit plus ou moins en fièvre leur a trouvé. Cette pratique, je m’y adonne, même pendant la nuit. J’ai toujours, près de mon lit, un crayon ou un stylo, des pages blanches. Un sujet quelconque vient-il à m’assiéger, m’obséder ? J’allume ma lampe, j’écris. Seul moyen, l’expérience me l’a si bien appris, de me libérer de l’obsession qui ne me lâchera plus, m’empêchera de dormir. Ces pensées cueillies au vol vont ensuite, au fil des jours, s’engraisser, s’enrichir de toutes mes lectures, de celles-là mêmes apparemment les plus éloignées du sujet. Éclairs jaillis au cerveau l’on ne sait comment. Ainsi pendant