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septième volume 1940-1950

vous révéler, je le fais au nom de notre vieille amitié, et avec l’espoir que vous ne m’en voudrez point. »

Le 7 septembre 1939, je reçois ce bout de lettre :

Monsieur l’abbé et cher ami,

Je vous ai fait une réponse que je ne crois pas pouvoir envoyer. On travestit tellement tous les gestes et on sollicite tellement tous les textes que je n’ose rien écrire. Quand je vous verrai, je vous expliquerai viva voce mes sentiments et attitudes, et peut-être jugerez-vous que je ne suis digne ni de haine ni de suspicion.

Croyez à mes fidèles amitiés en N.S.

J.-M.-Rodrigue, Card., Villeneuve, o.m.i.
Arch. de Québec.

Le mot « haine » dans cette lettre du Cardinal m’étonne, me laisse plus que perplexe. Rien, dans la lettre des amis que je lui ai fait parvenir, lettre des plus respectueuses, ne justifiait telle expression. Évidemment Son Éminence maîtrisait mal ses nerfs. Un peu embarrassé par cette réponse du 7 septembre et par d’autres nouvelles qui m’arrivent de Québec, je ne fais rien pour hâter mon entrevue avec le Cardinal. Mais il se trouve que je donne alors des cours d’histoire au Palais Montcalm de Québec. Et comme j’arrive dans la capitale souvent la veille, pour me ménager quelques heures de recherches aux Archives si riches du Séminaire, j’ai, depuis longtemps, l’habitude d’aller prendre chambre à l’Archevêché. Or, depuis quelques mois, l’aumônier des Ursulines, M. l’abbé Miville-Déchêne, aussi aumônier de la Saint-Jean-Baptiste québécoise, m’entraîne plutôt chez lui. Ancien confident de Son Éminence, l’abbé comprend de moins en moins les attitudes de son Archevêque. Il le trouve fermé, hésitant. Néanmoins, en février 1940, pris de scrupules, je décide d’aller frapper à la porte de Son Éminence. Toute sonnerie, tou-