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mes mémoires

jusque sur les rives du Mackenzie, sur les bords de la mer Glaciale, jusqu’en Colombie-Britannique. Ils suivent nos émigrés en Nouvelle-Angleterre, aux Illinois, au Michigan. Vers la fin du 19e siècle et au début du 20e , des appels encore plus lointains se feront entendre. Et l’on partira pour l’Amérique latine, pour l’Asie, l’Afrique, l’Océanie. Vol d’oiseaux migrateurs qu’on dirait fatigués des vieilles routes et qui n’en veulent plus que de nouvelles.

Écrire cette histoire, mettre en chantier un ouvrage de cette envergure. Plus de 6,000 missionnaires. Plus de cent familles religieuses au travail. J’ai dit, en la préface de mon ouvrage, à quels obstacles je me suis heurté. Je n’y reviens pas. J’aurai peiné trois ans pour achever documentation et rédaction. Et encore n’en avais-je demandé que deux à Dieu… Mais quelles joies m’auront apportées trois années de vie en compagnie de ces âmes d’élite ! Joie de parcourir le monde, d’en faire le tour ou presque et de trouver de nos gens partout. Joie de les voir s’adapter si facilement à toutes les nations jusqu’au point d’émerveiller leurs émules d’autres pays. Joie de les voir si rapidement donner leur confiance aux Indigènes et de se préparer en eux des successeurs, d’y créer de jeunes Églises et si vivantes. Joie de les voir encore comprendre et si spontanément, par exemple en Afrique, les aspirations des jeunes pays émergeant de la brousse et si désireux de se bâtir une vie, un avenir qui soient à eux !

Le Canada français missionnaire parut le 28 mai 1962. On me l’apporta le matin même de ce jour, hâtivement achevé. Il entra dans mon cabinet de travail, traînant avec soi tout le parfum du printemps dans sa toilette blanche et bleue. On l’avait achevé en grande hâte, le lancement, un lancement très solennel, ayant lieu le soir de ce même jour. Cet ouvrage, je l’avais trop laissé entrevoir et j’étais sincère, mettrait fin à ma carrière d’historien et d’écrivain. Mes amis de la Fondation Lionel-Groulx se mirent en tête d’organiser, à l’occasion, un dîner-souscription à $15.00 le couvert, dont le surplus, cela va de soi, devait revenir à la Fondation. Le dîner aurait lieu à l’Hôtel Reine-Élizabeth. Ce soir du 28 mai, 1,000 convives se pressaient dans l’une des salles de l’Hôtel. J’avais obtenu que ce fût surtout, non un hommage à l’auteur, mais à nos missionnaires. La table