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dre ses séminaires ou collèges, seuls foyers de recrutement du clergé ? Je trouve à m’affliger, sans doute, des défections de trop de prêtres et de religieux qui cèdent, eux aussi, pour un grand nombre, à la tourmente de la sexualité. Je m’afflige autant de la disparition du prêtre et du religieux de l’enseignement et de l’éducation. Nous descendons petit à petit, mais irrévocablement, vers la médiocrité intellectuelle. En ce champ de l’esprit, nous ne marcherons plus de pair à pair avec les laïcs. Nous rachèterons-nous par la supériorité morale ? Y aura-t-il plus de saints parmi nous ? Je voudrais l’espérer. Un fait pourtant me laisse dans le doute : la désertion de l’enseignement pour ce que l’on appelle « la pastorale », comme si cette génération qui grandit dans nos collèges, nos couvents, pouvait se passer de la présence du prêtre, d’une instruction appropriée à ses immenses besoins, comme si le prêtre, enseignant et directeur d’âmes, n’apportait point à son ministère des moyens non dispensés au laïc : les sacrements, ces sources d’énergie divine dont il est le seul dispensateur de par son sacerdoce. À force de se vouloir faire « peuple », le prêtre ne sait plus ce qu’il est. En ces derniers temps, un fait m’a tragiquement éclairé sur notre malaise religieux. En histoire, il y a de ces faits, de ces moments, qu’on dirait chargés de poudre, terriblement révélateurs d’une évolution d’esprit. Je veux parler du « scandale » de Maintenant. Mot que je ne désavoue pas. Scandale religieux comme en notre histoire il ne s’en était jamais vu : une communauté de religieux en insurrection générale contre ses supérieurs, y compris l’autorité suprême. Et à propos de quoi ? Du simple congédiement d’un directeur de Maintenant, revue dominicaine, aventureuse, par trop suspecte. Nos chers Pères Dominicains, c’est connu, se sont toujours payé la coquetterie de l’avant-gardisme, coquetterie qui souvent n’a pas su rester en deçà de la témérité. Comment ces fils de Thomas d’Aquin en vinrent-ils à flirter si facilement avec les opinions les plus risquées, à préférer l’avant ou la fine pointe de la barque de Pierre plutôt que le gouvernail ? Je ne me hasarde point à l’explication de ce mystère. Je me contente de rappeler que ce directeur de Maintenant avait déjà reçu de ses supérieurs majeurs des rappels à la modération. Voulait-il jouer son petit Savonarole ? Il fallut sévir. On lui enleva la direction de Maintenant. Fait anodin dont le retentissement, en d’autres temps, n’eût