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huitième volume 1950-1967

pas franchi les murs de son couvent. Mais au couvent même il atteignait tous les esprits réputés hardis, tous ceux qui, depuis le Concile, avaient trouvé une autre notion de l’obéissance religieuse. En dehors du couvent, tous les catholiques « gauchistes » se sentirent atteints ; les anticléricaux, les agnostiques se mirent de la partie, blessés dans leur liberté de pensée. Ce fut une belle pagaille ! Que les « progressistes », les agnostiques se soient soulevés, que pour assouvir leur colère ils se soient emparés des journaux, passe. Mais la Communauté dominicaine elle-même entra en scène ; publiquement elle désarma ses supérieurs, sans même oublier son Père Général. Et l’on vit jusqu’aux petits novices, les moinillons, agiter leurs poings indignés et faire éclater leur colère jusque dans les journaux. Et l’on vit encore Le Devoir — dussent en frémir les mânes de Bourassa — au lieu de calmer cette effervescence, jeter de l’huile sur le feu, publier, en bonne place, toutes les lettres de ces protestataires. Et la plume du pieux M. Claude Ryan se chargea de délayer, en savantes dissertations et en vingt-cinq subtilités, sa pensée sur l’évolution d’esprit d’obéissance dans les couvents. Le plus triste spectacle devait nous être offert le soir de l’événement : le limogé, en personne, au lieu d’aller s’en ouvrir à ses supérieurs, se laissa traîner à la télévision montréalaise, à l’émission « Aujourd’hui », pour s’y confesser aux deux interlocuteurs que l’on sait, et se plaindre mensongèrement de ne rien savoir du pourquoi de son congédiement. Spectacle navrant ! Impensable, répéterons-nous, il y a à peine dix ans, et qui permet de prendre le pouls de nos institutions religieuses et de tout un peuple.

Espoirs pourtant

Ce sont là les points noirs, ceux qui souvent me font dire : l’on ne fera pas de moi un pessimiste, mais inquiet je le suis tout de bon. En toute justice néanmoins je dois l’avouer : des signes, quelques signes semblent annoncer une nouvelle jeunesse. Ce n’est pas une aube qui se lève. On dirait quand même un souffle de printemps. Il semblerait que le spectacle des désordres juvéniles, de tant de jeunes vies manquées, tant d’échecs dans les études et les examens, tant de petites filles déflorées, à jamais