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PASSAGE DE L'HOMME

pas. Tout ce qui est comme ça sur la terre, sur quoi on marche, on n’y fait jamais attention. Il commença à ramasser des pierres, à les laver, à les frotter avec une brosse, à les regarder dans le soleil. Il ne les montrait à personne, il ne les cachait pas non plus. Mais il prenait tant de soin, dans l’âtre, à les nettoyer, et il était tellement heureux quand elles « faisaient de la lumière » — car c’était là son mot à lui, — que nous, les filles, on s’approchait. Et alors il disait : « C’est beau ! » Simplement ça, sans nous regarder. La Mère lui dit un jour : « Tout de même ! Est-ce qu’on aurait dit que ça pouvait être… — elle s’arrêta — que ça pouvait être si propre que ça, et… » elle s’arrêta encore, et ajouta… : « et si parlant ! »

Là-dessus je partis d’un grand rire — ah ! je riais bien en ces temps — : « Des pierres parlantes ! » Mais lui resta là tout sérieux, et Claire aussi, et la Mère fut comme un peu fâchée, comme il arrive lorsque, sans bien le savoir, on dit des choses qui ne sont pas convenables. J’étais enfant, et plus encore que Claire ; enfant, je veux dire, oui, par la sottise, par cette manie de rire et de moquerie ; et par ma faute j’ai laissé passer bien des choses. Mais les anciens se plaignent toujours. Assez là-dessus.