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PASSAGE DE L’HOMME

aussi, qu’on aimerait plus que soi-même. »

L’Homme dit ces mots sans regarder personne, et comme d’une voix qui s’essayait, qui attendait, et qui n’était pas sûre d’elle-même.

Celui des Hauts se mit à fredonner. C’était un air très plaisant et très doux. La Mère lui dit : « Mais chantez donc plus haut ! » C’est à peine s’il chanta plus haut. « Cette chanson-là, dit-il, quand il l’eut terminée, est faite pour être chantée doux : c’est la chanson d’amour de la Zilda, la Zilda d’il y a vingt ans qui était la promise de Celui des Vallées, et qui est morte la veille de son mariage. C’était une fille comme il n’y en a pas une. Vous vous rappelez ses cheveux, maîtresse ? Elle était blonde… » Il se perdit dans ses souvenirs.

Et l’Homme disait : « Là-bas, il y a aussi de la musique, et les hommes chantent, et ils s’assemblent pour chanter tous les dimanches, sur la grand’place. Mais la musique qu’ils chantent, ce n’est pas celle d’ici, qui vous prend au cœur et au ventre, et qui vous laisse tout attristé. C’est une musique de paix et de silence, comme du plain chant dans les églises, plus beau encore que du plain chant.

« Cette musique-là, maîtresse, on l’entend dans ses rêves quelquefois… Quand la jour-