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PASSAGE DE L’HOMME

coloriées, qu’il étendait au mur ou sur la table. Et il restait là-devant, des heures entières, et dessinant du doigt un mystérieux voyage.

Un soir qu’il était, là devant ses cartes, et écrivant sur un carnet — Claire, je me rappelle, était à ses côtés, et c’était avant leur mariage — quelqu’un frappa. Personne n’avait frappé à pareille heure depuis que l’Homme était venu. Je pensai à quelqu’un de perdu, à un mendiant ; ou peut-être quelqu’un du village nous était-il envoyé pour un péril. L’Homme mit beaucoup de temps à se lever. La Mère le regardait avec un peu d’impatience, et Claire était levée déjà lorsque l’Homme l’écarta doucement, et il alla lui-même ouvrir. Un homme entra, emmitouflé dans une pèlerine, un homme très vieux, dont le visage était tout creux de rides et dont les yeux luisaient singulièrement. Il secoua la neige de son manteau et sourit, ou tâcha de sourire : « Bonsoir, dit-il, j’ai eu de la peine à trouver la maison ! » et il serra la main de l’Homme. Et l’Homme, qui paraissait ému, nous dit : « Il vient de mon pays, c’est un Ancien de par-delà le Fleuve. » La Mère le fit asseoir et lui servit la soupe. Il fut aimable avec chacun de nous, mais ne parla que de choses vaines : du long hiver,