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Page:Guèvremont - En pleine terre - paysanneries - trois contes, 1942.djvu/11

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En Pleine Terre

te en lacets abonde en cahots, il avait avoué à Alphonsine qu’il l’aimait et la demandait en mariage. À sa prière ardente seul avait répondu le bruit des grelots et des mottes de glace qui frappaient le traîneau.

— Alphonsine !

Alphonsine se taisait toujours. Le silence, un grand silence étranger et hostile, élevait entr’eux un mur que chaque seconde alourdissait d’une pierre. Les mots d’amour préparés par Amable, avec la même ferveur qu’on élève un reposoir, s’étaient terrés, honteux, au plus obscur recoin de son cœur.

Ah ! la belle avait bien tenté de lui expliquer ses sentiments tout d’amitié pour lui, puis sa volonté de rester libre un an de temps et de s’engager à Montréal ; mais il était trop tard. Absolu, avec l’impatience de la pleine jeunesse, Amable avait exigé une réponse sans tarder. Attendre un an jusqu’à la Noël prochaine ? Un an ! Elle n’était guère pressée de dire oui ! Et reprenant les guides bien en main, il avait fouetté le cheval qui, d’étonnement, se jeta à l’écart dans la neige jusqu’au poitrail.

— Arrié, Gaillarde !

À toutes les veillées des fêtes, aux jours