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Page:Guèvremont - En pleine terre - paysanneries - trois contes, 1942.djvu/144

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Germaine Guèvremont

n’a qu’une idée : atteindre son gîte où se terrer pour y souffrir sans témoins. Les gens de Brumeville, étonnés, s’arrêtent et la regardent qui presse son cœur à deux mains. Bientôt une ribambelle d’enfants lui font cortège :

— Une femme en fête ! une femme en fête ! ricanent-ils à mi-voix.

Elle ne voit rien. Elle n’entend rien. Tout l’enchantement de sa vie s’écoule à grands jets par la blessure qu’aucun baume humain ne saura jamais guérir. De larges gouttes d’eau tombent sur le précieux corsage de soie puce. Il ne pleut pas pourtant : par une embellie le ciel se montre tout d’azur. C’est Mademoiselle Émérence qui pleure à chaudes larmes.

***

Le curé du Petit Brûlé ne traverse jamais le rang sans aller saluer Mademoiselle Émérence — rien de ce qui touche ses paroissiens ne lui est indifférent — et depuis le voyage à Brumeville elle lui paraît si étrangement changée qu’au moindre prétexte il accourt lui faire visite. Le vieux prêtre