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Page:Guèvremont - En pleine terre - paysanneries - trois contes, 1942.djvu/150

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Germaine Guèvremont

— Il fait chaud dans le poêle, vous avez une maison qui tire ben.

C’était pour elles d’un effet hilarant.

Pas un secret de la terre qu’il ne connût. Il savait tout : les vertus de l’huile de patte de bœuf, l’art de disposer le gros sel au pied des asperges après le coucher du soleil, et ceci, et cela. Et tout. À leur insu les Demoiselles se prenaient d’amour pour lui. À peine avait-il vanté la saveur des herbes salées qu’Énervale suggérait timidement à sa sœur d’en mettre une pincée dans la marmite, sous prétexte de bonifier la soupe. Ombéline fronçait les sourcils et protestait de son mieux, mais affectant d’être distraite, elle en jetait deux pleines cuillerées dans la soupière.

Les Demoiselles, jadis austères et économes, s’adonnaient aux frivolités et aux risettes à tous et à chacun. Ombéline faillit se trouver mal quand elle découvrit Énervale en train de chauffer le tisonnier à même la braise pour onduler sa chevelure. Ce ne fut rien au prix de l’étonnement de la cadette quand elle vit l’aînée revenir du village, vêtue de neuf et parfumée.