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Page:Guèvremont - En pleine terre - paysanneries - trois contes, 1942.djvu/154

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Germaine Guèvremont

vaient des yeux Pansu, dans sa marche vers l’étable.

— Veux-tu me dire ce que t’as à tant frétiller sur ta chaise ?

— Et toi, tu t’étires pas le cou, non ? Si le vent revirait de bord, tu serais belle à voir !

— Faut ben que tu te sois jamais aperçue dans un miroir pour parler de même.

— Commence donc par regarder tes vieilles mains toutes plissottées, tes mains de vieille. Les as-tu vues, comme il faut, à la grande clarté ?

— L’effrontée ! Penses-tu qu’un homme peut aimer une créature qui a, à la place du cou, deux nerfs secs comme des cordes de violon ?

Soudain les deux voix se turent, cassées net : la fille à la Belle-Emma, une roussette à la démarche onduleuse, se glissait en chatte le long des bâtiments jusqu’à la tasserie attenante à l’étable.

Après un grand moment de silence, Ombéline se ramassa comme une bête prête à bondir :

— L’homme infâme ! Il aime mieux une bonne-à-rienne qu’une fille respectable.