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Page:Guèvremont - En pleine terre - paysanneries - trois contes, 1942.djvu/155

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En Pleine Terre

C’est pour dire qu’il y a pas un torchon qui rencontre pas sa guenille !

Outrée, ne trouvant pas d’invectives assez fortes pour marquer l’engagé, d’une voix aigre elle en inventa de poissardes, de basses. Par deux fois elle dut ravaler sa salive.

Toute recroquevillée, la fragile Énervale ne faisait que pleurer et ses larmes tombaient par larges gouttes, douces et molles, dans les rigolets de ses vieilles mains.

Ombéline s’émut à la vue de cette peine toute nue et sans défense, pareille à un enfant naissant.

— Pleure pas, Énervale, reprit-elle sans colère. Tu vas me dire la vérité.

Et évitant de prononcer le nom de l’infidèle, elle questionna :

— Je suppose que le beau verbeux t’a conté des merveilles.

— Oui, soupira Énervale, des merveilles.

— Il t’a conté la fois qu’il avait vu un signe de mort : la grosse arête noire d’un poisson dans le ciel ?

— Il m’a conté qu’il était « pilot » à bord d’une goélette qui a chaviré. Sans un gros steamboat qui a recueilli l’équipage, aujourd’hui le Pansu ferait pas grand’poussière.