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Page:Guèvremont - En pleine terre - paysanneries - trois contes, 1942.djvu/21

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En Pleine Terre

Au cri d’Amanda, dans la maison postée en sentinelle au haut d’un raidillon, ils accoururent à la fenêtre. Des taches en effet surgissaient sur la glace. Seule l’aïeule s’obstinait à ne pas les voir. Entêtée, elle voulait faire triompher sa conviction que le fleuve et les chenaux, comme dans son petit temps, ne se délivrent que huit jours après la débâcle du Richelieu. Le fait que des barrages eussent changé le mouvement des glaces n’atténuait en rien sa croyance. Bientôt, tous durent convenir que la glace marchait.

C’était donc vrai ? Fidèle à la promesse des mois, après le long hiver endormant qui assoupit les esprits et alourdit les membres, une fois de plus le printemps, si prompt à faire germer la vie et lever les espoirs, ressuscitait, chargé de messages, du cœur même de la terre ?

En hiver, sauf une veillée ici et là et la messe d’obligation, les sorties n’abondaient pas chez les paysans. Les femmes surtout demeuraient casanières. Les hommes, eux, outre les journées passées au bois, avaient fait l’équipée d’aller en bande manger la gibelotte chez un parent, dans les parages de Maska. Tout guillerets, par un vent à écor-