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Page:Guèvremont - En pleine terre - paysanneries - trois contes, 1942.djvu/22

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Germaine Guèvremont

ner les bœufs, ils s’étaient mis en route, pas un sou vaillant en portefeuille, mais bien munis de tabac et d’une ample provision d’allumettes. Qu’ont-ils tant besoin d’argent ceux-là dont les joies simples ne s’achètent pas à prix d’or ? Le printemps approchait qu’ils prolongeaient leur plaisir en en parlant encore comme d’un divertissement à nul autre comparable.

***

Le même jour, Amanda, grimpée sur une butte de neige durcie qui avait résisté aux avances du soleil, regarda longtemps sans se lasser la glace qui marchait. Des glaçons passaient à la file, sur l’eau noire, comme des gens en procession. N’était-ce pas une dame en promenade, cette grosse motte effritée en chandelle ? Le frasil lui avait même façonné un jabot de dentelle.

Le soleil avait glissé derrière les arbres tassés en forêt quand Marie-Amanda se décida à rentrer. La tombée du soir teintait de violet la commune et fraîchissait l’air tiède de tantôt. Le tourment, oublié un instant, de songer que son amoureux retournerait naviguer la reprit avec un regain d’énergie.