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Page:Guèvremont - En pleine terre - paysanneries - trois contes, 1942.djvu/25

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En Pleine Terre

Ludger hésite et finit par avouer :

— À l’eau salée.

— À l’eau salée !

L’ange noir du désespoir a soufflé au cœur d’Amanda la divine clarté que le printemps y avait allumée. Si au moins Ludger naviguait sur le fleuve à bord des goélettes, plaisantes à voir voguer au loin, dans le sillage des trois-mâts, ou même à bord d’une barge ou des dragues qui vont de temps à autre se ravitailler à Sorel, mais à l’eau salée, autant dire à l’autre bout du monde.

Gauchement, Ludger prend congé :

— Je m’en vas, Amanda, mais je serai pas tout parti, parce que je te laisse mon cœur.

***

Il s’était enfui et Marie-Amanda n’avait pas bougé, pas même pour lui donner le baiser des promises. Comment aurait-elle trouvé le tour de parler quand elle avait à peine la force de respirer ? Assise, les mains jointes dans son giron, elle laisse couler les larmes qui tracent sur son visage leur chemin d’amertume.

Mais la terre est une souveraine qui ne tolère pas l’oubli de son règne :