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Page:Guèvremont - En pleine terre - paysanneries - trois contes, 1942.djvu/28

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Germaine Guèvremont

Il ne déguisait pas non plus son état sous la pratique de quelque petit métier, chaisier ou colporteur, et ne se lamentait pas à tout venant que les pauvres gens ont toujours vent devant. Quêteux, il l’était de profession ; pauvre, par vocation, pour perpétuer la parole du Christ : « Il y aura toujours des pauvres parmi vous… » De toute sa personne prophétique, il semblait dire : « Remerciez-moi de vous procurer la délivrance et le dépouillement de la charité, la bénédiction de vous sentir bons et surtout cette volupté du don de la main à la main qui fait jaillir des étincelles de vos cœurs tièdes. »

D’où venait-il ? Nul n’aurait su le dire au Chenal du Moine. Sûrement pas du rang des quêteux où les mendiants abondent et doivent s’entrequêter pour vivre. Quand on le lui demandait, d’un geste vague, Russe pointait vers le nord, au large de Saint-Barthélemy. Peut-être voulait-il indiquer les concessions au delà des vieilles paroisses laurentiennes ? Ou tout simplement la route.

À le voir, été, hiver, toujours vêtu d’étoffe du pays, les enfants l’avaient baptisé « le grand quêteux d’étoffe. »

***