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Page:Guèvremont - En pleine terre - paysanneries - trois contes, 1942.djvu/34

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Germaine Guèvremont

avait, le lendemain, rôti la moisson, apporté la sécheresse, déchaîné quelque mauvais vent ou la grêle qui charriait des grêlons gros comme des billes, en ravageant ce qui était encore debout dans les champs.

Aussi marchait-elle sans joie, la mère Beauchemin, parmi les jeunes pousses qui dressaient leur tête vers le ciel. Tout occupée d’elle-même et des siens, elle préparait sa prière à la Vierge Marie. Ce n’était pas tant la reine des cieux, en pleine gloire, entourée des plus grands saints et assise à la droite du Père Tout Puissant, qui excitait sa dévotion. Aller se lamenter à elle lui aurait semblé un affront, en ce premier jour de mai, quand tout le monde catholique se réjouit et célèbre la grandeur de la Mère de Dieu. Mais avec Notre Dame des Sept Douleurs, le cœur transpercé de sept glaives, affaissée en larmes au pied de la croix sur laquelle son divin Fils expire, dans l’abandon et les opprobres, elle se sentait à l’aise pour parler de son mal et exhaler la plainte d’une pauvre femme en peine :

« Ce n’est pas rien, bonne Sainte Dame, tout ce que j’ai à vous dire. D’abord cette fatigue que je ressens de la tête aux pieds