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Page:Guèvremont - En pleine terre - paysanneries - trois contes, 1942.djvu/44

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Germaine Guèvremont

porte, elle s’agenouilla et fit un grand signe de croix. S’il fallait que le six-pâtes, le plat de résistance qu’elle avait préparé dans le secret, d’après une fameuse recette gaspésienne, fut immangeable ? Et le reste des mets cuits en charpie ? Mais non, tout était à souhait.

Aussitôt les voisines s’empressèrent à l’aider et transportèrent les plats dans le petit bas-côté et jusque dans l’appentis. Pour protéger leur tablier d’un blanc immaculé, garni d’une dentelle au crochet, elles passèrent un second tablier de fil foncé.

Pendant ce temps, Didace Beauchemin offrait aux hommes soit de la grosse bière ou une rasade de son meilleur petit-blanc et Marie-Amanda servait aux femmes deux doigts d’un vin de pissenlit, mis à vieillarder depuis des années, un vin qui n’était pas du reginglard et qui coulait dans les verres comme de l’ambre liquide. Ce qui eut pour effet de rendre tout le monde en appétit et fort dispos à la gaieté.

On avait dressé la table dans toute la longueur de la cuisine. Sitôt que les mariés eurent pris les places d’honneur, chacun s’assit selon son rang et sa convenance, les notables occupant les hauts bouts.