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Page:Guèvremont - En pleine terre - paysanneries - trois contes, 1942.djvu/56

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Germaine Guèvremont

elles s’évadaient vers quelque autre jardin mystérieux, au pays du Rêve, que chacune emmurait dans le secret de son cœur.

La commune même n’était plus qu’une nappe rutilante étendue le long du chenal pour le festin des yeux. Tous les bouquets rustiques passaient du matin au soir par la gamme des tons rougeâtres, depuis le violet-monseigneur jusqu’au plus pâle héliotrope.

À l’heure du midi, quand un clocher dans le lointain et quelque bon vent apportaient en cadeau les parfums du ciel et de la terre, on aurait cru voir la paix étendre son manteau solide et léger à la fois sur cette famille de paysans.

Tour à tour, après le maître qui occupait un bout de la table, ils vinrent s’asseoir sur les bancs de côté. Une place restait vide : celle du jeune Éphrem ; comme il était lent de sa nature et peu ponctuel, personne pour le moment ne s’inquiétait de son absence. Un seul sujet planait sur leurs discours : la terre, ce qu’elle donnerait, ce qu’on tirerait d’elle, et déjà le père Beauchemin et l’aîné calculaient mentalement le rendement du foin engrangé et de celui qui était encore en veilloches dans les champs. D’un appétit ro-