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Page:Guèvremont - En pleine terre - paysanneries - trois contes, 1942.djvu/58

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Germaine Guèvremont

Armanda nettoyaient les plats et rangeaient le manger en s’entredisant des riens. Leurs paroles basses faisaient un bruit de bourdon qui endormit les hommes. Après une courte sieste ils se remirent sur pied et le père chercha Éphrem du regard. Sans même attendre une question, la mère s’empressa de dire qu’il avait dû prendre un détour et dîner chez quelqu’un du voisinage. Dès qu’il arriverait, elle l’enverrait rejoindre les autres au champ.

Quand ils furent à perte de vue, elle courut en cachette s’enquérir ici et là de son Éphrem. Personne ne l’avait vu, sauf un jeune qui était sur le bord de l’eau « quant et lui », vers les onze heures.

L’angoisse traversait son cœur de part en part qu’elle aurait voulu malgré tout ménager la sérénité des autres. Elle disait tout haut : « Ah ! il va revenir ! » tandis que la certitude de ne jamais le revoir vivant tissait un réseau tenace autour de sa pensée. De ses mauvais yeux elle fouillait la route poussiéreuse jusque dans les moindres replis. La vérité ne commença pas de se faire jour petit à petit dans son cœur : elle frappa comme la foudre. Le petit canot de chas-