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Page:Guèvremont - En pleine terre - paysanneries - trois contes, 1942.djvu/59

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En Pleine Terre

se, le canot si versant était là, échoué, qui se berçait sans amarres, parmi les joncs au soleil. Sur l’allée solitaire qui mène à la maison, la pauvre femme défaillait de chagrin, mais à grand renfort de volonté, elle parvint à demander de l’aide.

Les uns après les autres, ceux du rang de Sainte-Anne qui eurent vent de la nouvelle accoururent au bord du chenal. Chose curieuse ! de tous ces riverains qui étaient nés pour ainsi dire sur l’eau et qui voyageaient, chaque jour, dans des embarcations périlleuses, aucun ne savait nager. En silence, à l’aide de gaffes et d’hameçons, ils inspectaient le fond de la rivière. Les anciens qui connaissaient le prix de la vie suivaient des yeux la course du pain bénit et s’attendrissaient sur cette jeunesse fauchée dans sa fleur quand un juron formidable partit de la bouche du maître : on venait de trouver le corps. Ce fut la réaction du paysan devant la mort de son enfant.

Ces hommes peu loquaces se mirent à parler tous à la fois, chacun cherchant une explication plausible à la noyade ; les uns optaient pour qu’Éphrem, en cherchant à planter sa perche, eût passé par-dessus bord,