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Page:Guèvremont - En pleine terre - paysanneries - trois contes, 1942.djvu/60

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Germaine Guèvremont

d’autres voulaient tout bonnement qu’il eût tombé à l’eau dans le déclin où l’écart est traître.

L’un d’eux hâla le noyé jusqu’à l’échancrure de la grève, en ayant bien soin de lui laisser les pieds dans la rivière jusqu’à l’arrivée du coroner qu’on courut avertir.

La vie ne serait pas la vie si un malheur était triste du commencement à la fin et une joie gaie, d’un bout à l’autre. Au milieu d’un bonheur, le gnome du chagrin trouve le tour de sonner le tocsin et le diablotin du rire veille au chevet de la peine pour mettre en branle la folie de ses grelots. Les voisines arrivèrent aussitôt sur la butte. Elles venaient s’associer à la peine de leurs amies. Mais une grosse paysanne qui avait facilement la larme à l’œil montrait tant de zèle à sympathiser, elle sanglotait si fort que le curé venu en toute hâte pour apporter ses consolations à la famille, se méprit et entreprit de l’exhorter à la résignation, pendant que la mère affligée, ses vieilles mains noueuses abandonnées sur ses genoux, refoulait seule dans un coin l’amertume de ses larmes.

L’aïeule faisait pitié. On aurait dit que les