Aller au contenu

Page:Guèvremont - En pleine terre - paysanneries - trois contes, 1942.djvu/6

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
8
Germaine Guèvremont

pli la boîte à bois de bon merisier sec. Et chauffe, le poêle, chauffe ! que les tartes soient dorées, les gâteaux épanouis et que le père, la mère, l’aïeule, les filles, les garçons et les petiots aient le cœur content de se régaler dans la cuisine familiale, par la nuit miraculeuse qui s’avance !

Afin que tout soit à point pour le réveillon, la mère Mathilde Beauchemin et sa fille Marie-Amanda voyagent depuis le matin du bas-côté à la grand’maison. Huit jours durant elles ont apprêté l’ordinaire des fêtes avec ce qu’il y a de meilleur sur la terre. Et voici l’heure venue d’apporter la jarre comble de beignes poudrés de sucre fin, le ragoût où les boulettes reposent dans une sauce épaisse, les tourtières qui fondent dans la bouche et les rillettes généreusement épicées par la main savante d’Amanda. La dinde qui commençait à « geleotter » au froid, s’affaisse dans le réchaud, insouciante désormais de son sort glorieux. Tout au haut du bahut, bien en sûreté loin de la vue des enfants, les sucreries, les oranges et les pommes languissent derrière une pile de draps. L’aïeule, mécontente d’être reléguée à de petites besognes, s’emploie à écaler les noix