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Page:Guèvremont - Le survenant, 1945.djvu/213

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LE SURVENANT

* * *

Dès la première clarté, le lendemain dimanche, Angélina qui n’avait plus sommeil, se leva. Incapable de demeurer oisive, elle prépara la moulée de gru qu’elle transporta au poulailler. Au retour, quoique frissonnante à la fraîcheur de l’aurore, elle resta dans le jardin.

Le ciel achevait de s’affranchir des ombres de la nuit. Seule une mince barre violette persistait autour de la terre. À l’orient, au-dessus de la baie de Saint-François, l’étoile du matin tremblotait encore, mais le soleil allait bientôt paraître.

D’ordinaire Angélina ne s’attardait pas, le matin, à observer autour d’elle. Mais levant la vue elle demeura éblouie devant l’illumination du ciel. C’était comme un déroulement de soieries de toutes les nuances. Tantôt elles se balançaient, ondulaient, molles et fugitives. Tantôt elles éclataient, se déchiraient en lambeaux, puis recommençaient à luire en une succession bien ordonnée de plis rigides, horizontaux.

Mais soudain le soleil abolissant l’opulence des soies, dans son unique beauté apparut à la terre.

En même temps, à la cime du paillis, près d’une grange basse, une crête rouge trembla et le coq, héraut fidèle, de son chant victorieux, annonça le triomphe du jour sur la nuit.