Page:Guèvremont - Tu seras journaliste, feuilleton paru dans Paysana, 1939-1940.djvu/15

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le mal que les esprits malins en colportaient.

Aussi ce fut bien à regret qu’elle reçut d’un médecin l’ordre du départ en même temps qu’il la prononçait guérie et, comme il le disait, « sortie du bois »…

« Sortie du bois ! » l’expression fit frémir Caroline en lui rappelant ce qui l’attendait à l’issue de son procès : la perspective de l’incarcération ne l’épeurait pas plus que celle de sa libération. Où irait-elle ? Que deviendrait-elle ?

Caroline assista à son procès comme en un songe. La Cour lui avait assigné un procureur qui, à l’aide d’une plaidoirie recherchée, mit en lumière les qualités de l’accusée, la tristesse de sa vie et le grand abandon où elle se débattait avec l’existence. Et, profitant de ce que plusieurs jurés donnaient des signes manifestes de torpeur, il analysa les méfaits que la chaleur pouvait engendrer dans un esprit surexcité ; tant et si bien que le jury rendit un verdict de non-culpabilité.

Affranchie, libre, Caroline se sentit plus que jamais captive de ses craintes. Comme un huissier lui faisait signe de le suivre, elle obéit, trop heureuse de se soustraire à de pénibles pensées. Il la conduisit à la chambre du juge qui l’accueillit paternellement.