Page:Guèvremont - Tu seras journaliste, feuilleton paru dans Paysana, 1939-1940.djvu/193

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Une joie qui nous arrive quand on en a épuisé toute l’espérance, est-ce encore une joie ?

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Le soleil déclinait quand le train stoppa à Desneiges. Caroline n’avait prévenu personne de son retour. Elle voulait reprendre contact avec son pays, seule, sans témoin. Le froid sec après la chaleur du train la ranimerait durant le mille à parcourir avant d’atteindre les premières maisons.

Elle allait rêveusement sur la route, suivant l’ornière polie par les lisses des traîneaux et écoutant le grondement des arbres à la lisière de la forêt quand le son de grelots la fit se retourner.

— Vous, ici, s’exclama un jeune homme. Ça parle au sorcier !

Caroline eut de la peine à reconnaitre dans ce colosse un de ses anciens élèves.

— Embarquez, je vais vous reconduire là où vous vous rendez.

Caroline s’assit sur les billots. Après lui avoir défilé la série des derniers événements, il questionna :

— Ça fait combien de temps que vous êtes partie ?

— Plus de deux ans.

— Et vous revenez pour tout de bon ?

— Je l’espère.

— Vous avez fait comme l’élan : vous êtes allée enterrer votre panache au loin.

À retrouver ce parler vert et direct qui autrefois lui faisait honte Caroline se sentit émue.

De sa grosse mitaine, l’adolescent pointa un homme qui avançait à grands pas.

— Il vient au devant de vous.

En reconnaissant Arcade, le cœur de Caroline ne fit qu’un bond. L’attelage avançait encore qu’elle sautait en bas de la voiture.

— Arcade !