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Page:Guèvremont - Tu seras journaliste, feuilleton paru dans Paysana, 1939-1940.djvu/25

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taille, c’est que cette pensée, prompte comme la foudre, traversa son esprit. Elle-même ne devait pas être différente des autres, puisque, toute en angle aigu elle ne parvenait pas à se détendre. À proximité, une femme ne cessait de la détailler du regard et elle y apportait une telle insistance qu’à son tour, Caroline fut tentée d’inventorier celle qui l’observait ainsi. Anguleuse et sèche, cette femme appartenait à la catégorie des personnes auxquelles les plus grands devins ne sauraient prêter un âge. Jeunes, elles semblent déjà vieilles ; on les retrouve dans leur vieil âge, elles ont l’air aussi jeunes qu’autrefois. Rien dans la physionomie de celle-ci n’aurait retenu l’attention, si ce n’était la bouche, ou plutôt l’absence de la bouche, une bouche si petite qu’elle affectait à peine l’allure d’un signe de ponctuation : simple trait d’union entre le nez et le menton. Et à la voir en exagérer encore la petitesse en se plissant les lèvres continuellement, on aurait juré que posséder une bouche était la pire des afflictions. Ou peut-être croyait-elle gagner ainsi en distinction ?

Pour échapper à cette inquisition, Caroline reporta ses yeux vers le train voi-