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Page:Guèvremont - Tu seras journaliste, feuilleton paru dans Paysana, 1939-1940.djvu/26

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sin : les voyageurs encantés dans de vastes fauteuils semblaient y jouir du summum du confort. Sûrement la chaleur ne les affectait guère. On aurait dit qu’un vent doux créé exprès pour eux avait pour mission de rafraîchir leur front. Sans un heurt, sans une secousse, comme glissant sur les rails, le convoi se mit en marche.

Combien de générations faut-il, se demanda Caroline, pour transformer une famille de campagnards en une race de bourgeois huppés rompus à tous les usages sociaux ? Elle estima, après réflexions, qu’il en faudrait au moins trois.

Mais elle n’admirait pas totalement le bourgeois. Autant elle déplorait de ne pas posséder ces manières qui lui semblaient la quintessence de la distinction, autant elle était fière d’ignorer l’art sinueux de circonvenir une question : ses réponses filaient comme des flèches dans une juste trajectoire.

Combien de fois, dans son ignorance du monde, avait-elle accroché son espoir