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nouvelles rendues incolores par une rédaction morte. À son insu, une révolution se levait en elle. Pour le moment, elle se contentait de sourire et de mettre des fleurs sur les pupitres, de ces boutons d’or lumineux comme le soleil. Mais plus tard ?


CHAPITRE VII


Caroline n’aurait pas que l’apprentissage de son métier à faire : il lui faudrait se familiariser avec la petite ville. Dans une grande ville où l’on trouve, selon Sinclair Lewis « la généreuse indifférence » on n’appartient à personne ; dans un village, on s’appartient, mais dans une petite ville, on appartient à tout le monde. Elle avançait donc à petits pas comme quelqu’un qui cherche à tâtons son chemin dans l’obscurité.

Le typographe n’avait pas voulu laisser à d’autres le soin de dénicher la famille où Caroline logerait : ce serait chez lui. Lauréat Bonneville, pourvu qu’elle ne se montrât pas trop exigeante et qu’elle consentît à donner quelques leçons à sa fillette. Les époux Bonneville en vinrent avec Caroline à une entente qui parut avantageuse pour tout le monde.

Mariange Bonneville fut on ne peut plus émerveillée de découvrir en Caroline la jeune personne qui l’avait intéressée dans le train. De son côté, Caroline ne fut pas moins saisie de se voir installée à demeure chez la dame-à-la-petite-bouche.

À peine était-elle entrée dans la maison qu’une petite fille accourut l’embrasser.

— Comment t’appelles-tu ?

— Darcinette.

— Pas Larcinette ?

— Non. Dar-ci-nette.