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Page:Guèvremont - Tu seras journaliste, feuilleton paru dans Paysana, 1939-1940.djvu/75

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fera pas de tort. Ça va nous remettre sur le sens.

Pour que Marianne se couchât en paix, Caroline s’engagea à surveiller le feu. D’ailleurs elle n’avait plus sommeil : trop de pensées assaillaient son esprit.

Pauvre Philippe ! lui qui affirmait sur un haut ton qu’il n’avait besoin de personne ! il éprouverait certes un malaise d’apprendre qu’elle était en charge du journal. Mais parvenu à cette phase de la maladie, il devait avoir atteint des régions si hautes que les misérables détails ne comptent guère.

Quant à Caroline, une large route se profilait à ses yeux, hors de l’ornière où elle pataugeait à regret : écrire, créer.

Qu’écrirait-elle ? Il manquait environ deux colonnes de textes. Un billet et l’éditorial. Le billet ne l’inquiétait pas. Souvent elle avait rempli ses soirées solitaires en brossant des tableaux de la vie de province tatillonne et désuète. Elle en trouva un qui servirait. Assise devant le feu, elle le relut attentivement :

UN GRAND MARIAGE DANS UNE
PETITE VILLE

Pierre et Collette s’aimaient depuis longtemps.

Quand ils se l’avouèrent « par un dimanche au soir », ils se virent d’avance condamnés à un culte à perpétuité : ils choisirent un procès expéditif. Avant de se quitter, ils s’embrassèrent donc une dernière fois, encore une dernière fois et… une dernière fois, et Pierre courut mettre les bans à l’église.

Comme ils n’étaient pas riches, ils achetèrent leurs meubles à tempéra-