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Page:Guèvremont - Tu seras journaliste, feuilleton paru dans Paysana, 1939-1940.djvu/8

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la terre qui a vibré plus que moi dans son âme, à la vue des splendeurs naturelles que Vous nous dispensiez à pleines saisons et qui en a moins fait part au monde ? Y a-t-il une seule femme qui, trahie par le mensonge — mensonge des actes, des sourires et des mots — a souffert un plus grand martyre que le mien, sans jamais en ouvrir la bouche ? Mon Dieu, Votre sueur de sang, au mont des Oliviers, je la comprends, mais à l’heure de ma mort, ne Vous détournez pas de moi. En me libérant de mon pauvre corps, je ne veux pas pécher contre le Saint-Esprit ; j’aspire seulement à aller auprès de Vous, la vérité même ! »

De cette confession, Caroline sortit allégée. Elle avait jeté du lest. Le heurt d’une porte, suivi d’un autre heurt, lui apprit qu’elle était seule à la maison. Tranquillement elle alla vérifier le fait. Une circulaire traînait dans le portique. Machinalement elle en prit connaissance. Un boucher annonçait au public « qu’il serait ouvert le quinze courant. » Elle ne put réprimer un sourire.

Instinctivement, elle se hâtait. Tandis qu’elle abaissait la fenêtre de sa chambre, un colporteur, à la faconde d’un bateleur,