Page:Guèvremont - Tu seras journaliste, feuilleton paru dans Paysana, 1939-1940.djvu/90

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un traître est parmi eux ; le lit où l’homme respire pour la première et pour la dernière fois ; le coffre où l’épouse paysanne serre ses pauvres hardes, ses tabliers, les mouchoirs des jours de fête, les chemises de son trousseau ; la main où l’on pétrit la farine avant de la mettre au four ; la chaise où les vieux s’assoient près du feu, le soir et parlent de leur jeunesse perdue. Et souvent, tandis que les copeaux bouclés s’envolaient au fil du rabot ou que la sciure tombait au rythme grinçant de sa lime, Jésus dut penser aux promesses de son Père, aux paroles des prophètes… à une œuvre qui ne serait plus de règles et de poutres mais d’esprit et de vérité ».


Au dehors Caroline se crut transportée au pays des fées. Le gel avait figé la pluie : la ville était de verre et les arbres en nougat. Tout scintillait. Des flottilles de neige folle voletaient dans l’air. Au tournant d’une rue, elle aperçut une haie de cèdres couronnés de neige et prosternés jusqu’à terre, semblables à des religieuses en prières sous leurs voiles blancs. Envahie par le bonheur d’être vivante, elle remuait les doigts, ouvrait les bras, buvait l’air pur à pleines goulées et d’un bel élan elle prit une course vers la maison.


À peine sur le seuil, elle entendit