Page:Guérin - Journal, lettres et poèmes, 1864, 6e éd.djvu/441

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la profondeur ni l’état impénétrable de leurs voûtes ne peuvent soustraire ces divinités à Bacchus, car nul accès ne lui fut interdit par les destins. Les fleuves s’agitent sur leurs couches et le limon antique s’émeut dans le sein de leurs urnes troublées.

« Durant le règne d’un été, j’avais attaché mon séjour au sommet des monts Pangées. Des atteintes secrètes que je reconnais chaque année, les joies de la terre et de la beauté des campagnes approchant, m’engagent à prendre les rampes des montagnes. Les mortels agréables aux dieux ou dont l’excès des maux les a touchés ont été conduits et rangés parmi les signes célestes : Maïa, Cassiopée, le grand Chiron, Cynosure et les tristes Hyades sont entrés dans la marche silencieuse des constellations. Guidés par les destins, ils gravissent dans le ciel et déclinent sans écart ni suspens, et sans doute cette poursuite d’une marche qui s’élève et retombe, et reprend sur elle-même, institue un état de bonheur s’étendant à des limites incertaines, empruntant de la monotonie des chemins et mêlé de quelques pavots. Je voulais qu’une marche lente, appliquée aux escarpements des monts, engendrât en moi une disposition pareille à celle que les astres tirent de leurs cours, mon chemin me portant vers le comble des montagnes ainsi qu’ils s’élèvent dans les degrés de la nuit. Mais le fruit ne peut écarter la maturité qui l’approche ; chaque jour la terre le pénètre de dons plus pressants dont la chaleur qui le consume se marque au dehors par des