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Page:Guérin - Journal, lettres et poèmes, 1864, 6e éd.djvu/442

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couleurs toujours plus avancées. Atteinte comme lui et gagnée dans mon sein, j’étais impuissante à rejeter ou à ralentir la vie qui m’était suggérée. Les pas tardifs, la recherche sous les forêts des asiles consacrés à ces divinités muettes et si puissantes par le calme, qui assoupissent les douleurs les plus aiguës ; les longues pauses sous les souffles qui viennent du couchant, la chute du soleil étant accomplie, ni l’ombre vide de la nuit, ni les songes ne pouvaient suspendre un moment les secrètes poursuites dont mon esprit souffrait l’effort. Je m’élevai jusqu’à ce degré des montagnes qui reçoit les pas des immortels ; car, parmi eux, les uns se plaisent à parcourir la suite des monts, tenant leur manche inébranlable sur les ondulations des cimes, et d’autres, sur les rochers qui règnent au loin, consument les heures à plonger dans la dépression des vallées, y recueillent les approches de la nuit ou considèrent comment les ombres et les songes s’engagent dans l’esprit des mortels. Parvenue à ces hauteurs, j’obtins les dons de la nuit, le calme et le sommeil qui réduisent les agitations même soulevées par les dieux. Mais ce repos fut semblable à celui des oiseaux amis des vents et sans cesse portés dans leur cours. Quand ils obéissent aux ombres et abattent leur vol vers les forêts, leurs pieds s’arrêtent aux branches qui, perçant dans le ciel, sont facilement émues par les souffles qui parcourent la nuit ; car jusque dans le sommeil ils se réjouissent des atteintes des vents