Page:Guérin - Journal, lettres et poèmes, 1864, 6e éd.djvu/452

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Et ce pied gracieux qui porte une sandale,
Pur et blanc comme neige, est posé sur la dalle.
Vous vous penchez un peu comme quand on est las,
Au pied d’une colonne, et sur la base un bras
S’accoudant ; vos deux mains, l’une à l’autre enlacées,
Comme deux blanches sœurs se tiennent embrassées.
De votre front serein comme le plus beau jour
Une toile en bandeau suit le charmant contour,
Et sur ce front si pur reluit et se détache
Comme un nuage blanc sur l’aurore sans tache
Au cou, la mentonnière, autre bandeau de sœur,
Dérobe à nos regards blancheur par la blancheur.
Un mantelet de lin, qui tombe jusqu’à terre,
Roule en plis gracieux son étoffe légère,
Et sur la tête, un voile, en arrière jeté,
Fait l’effet du feuillage à nos roses, l’été.
Puis en l’air, assez près de la simple coiffure,
Brille un cercle argenté d’une lumière pure,
Couronne aérienne en un trait des plus fins,
Dont on voit surmonté le chef de tous les saints.
Est-ce tout ? J’oubliais la croix de la prière,
Qui pend à la ceinture au bout du grand rosaire,
Et je dois dire ici, tout en parlant de croix,
Que dans l’église c’est la seule que je vois.
Pas un autel non plus. Votre sainte figure
Est vivante de grâce et d’expression pure ;
Elle est belle à passer devant vous tout un jour
Sans bouger ; elle est belle à donner de l’amour ;
Mais l’artiste, manquant de foi, n’a pas pris garde
Que vous y regardez celui qui vous regarde,
Que les chrétiens priant tiennent leurs yeux baissés
Et que des yeux ouverts ne priaient pas assez.

En la chambre où je vis, cellule toute nue,