Page:Guérin - Journal, lettres et poèmes, 1864, 6e éd.djvu/50

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de pur, d’élevé, de solide dans mon âme ; je lui dois tout ce que j’ai eu de consolations ; je lui devrai peut-être mon avenir. Je sens que mon amitié pour L… est forte aujourd’hui, après avoir passé par les extravagances de collège et le délire de notre première sortie dans le monde. Elle se fait sérieuse comme le temps et douce comme un fruit qui atteint sa maturité.

A La Chênaie, février 1833.

J’achève de lire le premier volume des Mémoires de Goethe. Ce livre m’a laissé des impressions diverses. Mon imagination est tout émue de Marguerite, de Lucinde, de Frédérica. Klopstock, Herder, Wieland, Gellert, Gleim, Bürger, cet élan de la poésie allemande qui se lève si belle, si nationale, vers le milieu du XVIIIe siècle, toute cette fermentation de la pensée dans les têtes germaniques intéresse profondément, surtout en face de l’époque actuelle, si féconde et si glorieuse pour l’Allemagne. Mais une pensée amère survient en suivant les détails d’éducation et la marche du développement intellectuel des jeunes gens, tel qu’on l’entend dans ce pays ; et l’amertume naît de la comparaison avec l’éducation française. J’ai consumé dix ans dans les collèges, et j’en suis sorti emportant, avec quelques bribes de latin et de grec, une masse énorme d’ennui. Voilà à peu près le résultat de toute éducation de collège en France. On met