Plein d’ombre, de silence et d’immobilité,
Sur un grand piédestal se dressait la statue
Du Soleil, seule, énorme, entièrement vêtue
De roides robes d’or, de perles, de joyaux,
De bracelets en croix et de colliers royaux.
Mais le Disque éternel pâlissait sur sa tête ;
Et le Dieu, comme en deuil de sa splendeur secrète,
De lui-même éteignait son propre flamboiement.
Des pleurs nouveaux noyaient ses yeux de diamant,
Et la stupeur commune et l’angoisse divine
De sanglots inconnus déchiraient sa poitrine.
Car il a vu dresser sur trois degrés, ce soir,
Au milieu de l’enceinte un lit de cyprès noir,
Funéraire, tendu de pourpres violettes,
Et s’allumer la myrrhe au fond des cassolettes.
Il a vu, gémissant et le pleurant en vain,
Un cortège hâtif porter l’Epoux divin,
Et s’arrêter, sortant des humides ténèbres,
Au chevet du Dieu mort, les Deux Poissons funèbres.
Il gît, le Dieu muet, le Rejeton choisi,
Le Printanier, l’Amant, le bien aimé Douzi,
Fauché dès son matin comme une fleur dans l’herbe,
Le Fils mystérieux dont la beauté superbe
Rayonnait sur la vie et l’enivrait d’amour.
Il gît ; ses yeux sont clos ; son corps au beau contour
Tel qu’un marbre rigide éclate sur la couche.
La pâleur a flétri les roses de sa bouche ;
De son front sans bandeau pendent ses cheveux bruns ;
En flots calamistrés, luisante de parfums,
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LA LAMENTATION D’IŠTAR