Page:Guerne - Les Siècles morts, II, 1893.djvu/108

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Maintenant vers les monts où l’ombre me dérobe,
J’ai fui la terre ancienne et le toit des aïeux ;
Et l’Eumolpide agite, en évoquant les Dieux,
Vers l’Occident sanglant la pourpre de sa robe.

La malédiction, rugissant sur mes pas,
Excite des Vengeurs les fouets inexorables.
Vos serpents sans pitié sifflent, ô Vénérables !
Epouses de Hadès, qui ne pardonnez pas !

Je meurs, au vent glacé livrant ma cendre blême,
Sans que l’urne d’argile, en ses flancs arrondis,
Enferme avec mon cœur mes os trois fois maudits ;
Sans que Dircé se voile en pleurant l’anathème.

Dircé, sois belle encore et ne crains rien des jours !
Aux coteaux d’Eleusis cueille les fleurs écloses,
Néglige l’asphodèle et vis, pareille aux roses
A ton seuil bienveillant refleurissant toujours !

De ton âme légère efface, ô bien-aimée,
L’amant fatal en proie aux Vengeurs triomphants !
Oublieuse des soirs, chante, rêve et défends
Le nom du Sacrilège à ta lèvre embaumée.

Nul remords ne le suit au funèbre séjour,
Car sa perte certaine, Eros ! est ta victoire.
Il meurt, il est heureux, et l’ombre expiatoire
Se peuple encor pour lui de souvenirs d’amour.