Page:Guerne - Les Siècles morts, II, 1893.djvu/123

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J’ai vu, j’ai vu la mer harmonieuse et tendre
Baigner d’un flot d’azur la Cité d’Alexandre ;
Le soleil ébloui mourir sur des toits d’or,
Et, quand montait la nuit transparente et sans voiles.
Le firmament dans l’onde égrener ses étoiles
Comme un tribut céleste au Dieu Philopator.

Alexandrie ! ô ville ! ô splendeurs ! ô merveilles !
Je vois toujours errer, sous les portes vermeilles,
Ta litière d’argent, blonde Agathokléa ;
Et pour le bain du soir, Reine des courtisanes,
Tu viens suspendre encor, près des eaux diaphanes,
Ta robe tyrienne au tronc d’un perséa.
Pour moi les vins ambrés ont fumé dans les coupes :
Pour moi, dans les palais, les danseuses par groupes.
Les aulètes lascifs, les mimes demi-nus
Ont des banquets trop longs consolé l’agonie.
O songes, ô désirs, soirs d’ivresse infinie,
Votre ombre même est douce à qui vous a connus !

Et voici qu’au retour vers la maison natale,
J’ai gravi sans émoi la colline où s’étale
Jérusalem, plus, sombre et plus morne à mes yeux.
Qu’importe la patrie ou la Loi qui l’étaie
Puisque, libre et léger, mon cœur franchit la haie
Qu’alentour de la Loi plantèrent les aïeux ?